Sétif-Actu

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Aujourd'hui, premier jour de Yennayer 2963

Ce 12 janvier 2013, correspond au premier jour de Yennayer 2963 (calendrier julien).

 

Les rites et traditions, en rapport avec ce premier jour de l'année amazigh, diffèrent d'une région à une autre.

 

Pour la circonstance, nous avons sélectionné deux articles de presse et étude pour nos lecteurs :

 

-         Yennayer, une fête de plus en plus algérienne, par Mekioussa Chekir (APS)

-         Rites et croyances de Yennayer, par Cheballah Mohamed (APS)

-         Yennayer, histoire d'un mot, par yidir plantade (publiée dans le site www.tamazgha.fr). Pour cette étude, une traduction en Anglais est jointe proposée par notre ami Karim Izou.

 

Les textes cités plus haut sont reproduits ci-dessous.

 

Auteur : Rachid Sebbah

 

***

 

1 -  APS 10 janvier 2013

Yennayer, une fête de plus en plus algérienne

Par Mekioussa Chekir

 

 

ALGER - Les Algériens sont plus nombreux, ces dernières années, à célébrer avec fierté, le 12 janvier de chaque année, Yennayer, le nouvel an amazigh.

 

"Nous aussi nous avons notre réveillon, nous avons Yennayer et nous le fêtons chaque année". Que de fois a-t-on entendu cette affirmation, assez révélatrice du sentiment de fierté d'appartenance et d'identification à une culture bien de chez nous.

 

 

Cette année, l'an 2963 du calendrier amazigh, dont le décompte aurait commencé en l'an 950 avant le prophète Aïssa (Jésus Christ), date de la victoire du roi berbère Chachnaq sur le pharaon d'Egypte Ramsès III.

 

Le fait est que ce rituel festif semble prendre de plus en plus de proportions dans notre société : jusque-là plutôt concentrée dans les régions berbérophones du pays, la fête du 12 janvier tend à être plus largement officiée.

 

"J'ai constaté une généralisation de cette tradition depuis quelques années au niveau de la capitale et ses habitants s'y attachent de manière plus prononcée", commente Fatima, mère de famille, issue d'un quartier populaire d'Alger.

 

Ce sentiment est, en outre, partagé par de nombreux citoyens originaires d'autres wilayas et qui considèrent que les Algériens se revendiquent "davantage" cet héritage culturel et identitaire.

 

Au niveau institutionnel, le constat est certifié et expliqué par l'impact de la prise en charge par l'Etat de cet événement autant sur le plan historique que culturel.

 

Hadj Saïd Abdennour, sous-directeur chargé de l'action culturelle au Haut commissariat à l'amazighité (HCA), situe ainsi le retour en force de cette fête millénaire à 2000, année de mise en oeuvre d'un programme de relance et de promotion de Yennayer.

 

Depuis, chaque année cette institution s'attèle à commémorer ce symbole de la Berbérie antique à travers des manifestations diverses en ciblant à chaque fois une région du pays, explique notre interlocuteur. L'édition 2013 sera étrennée par l'Oasis rouge, Timimoun, avec au menu un cycle de conférences thématiques, expositions, représentations musicales, etc.

 

"Depuis 2000, Yennayer est officiellement fêté par le HCA, mais pas seulement, d'autres institutions se joignent à nous, tel que le ministère de la Culture, l'établissement Arts et Culture. Même les hôtels s'y mettent désormais en proposant un programme spécifique à l'événement", explique le représentant du HCA.

 

Hadj Said tient à rappeler que Yennayer est célébré par cet organisme y compris dans des régions non berbérophones. Ce qui favorise davantage, explique-t-il, sa réhabilitation et, si besoin est, sa promotion chez les populations qui en entendent peu ou pas du tout parler.

 

Mais ceci reste "insuffisant", selon son avis, dès lors que Yennayer, justifie-t-il, n'est pas encore intégrée parmi les fêtes nationales, c'est-à-dire une journée chômée et payée.

 

Un retour en force salutaire

 

Yennayer serait-elle donc devenue un phénomène social, voire une pratique à la "mode" ? C'est ce que confirme également notre interlocuteur qui en veut pour illustration les messages de v�ux "plus massivement" échangés via les mobiles à cette occasion pour souhaiter "Asseguas Ameguass" aux proches et amis.

 

"Même ceux qui ne sont pas Kabyles, Chaouias (...) s'y mettent", souligne-t-il. Chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), Boukabous Ahmed, voit d'un bon �il cette réappropriation de l'un des fondements de l'identité algérienne", dans la mesure où cela contribue, relève-t-il, au renforcement du tissu social sachant que l'attachement au passé est "indispensable" pour la construction de la personnalité algérienne.

 

Il explique ce renouveau également par l'intérêt des médias pour Yennayer et par une certaine prise de conscience chez la société, notamment parmi les plus jeunes.

 

Le chercheur espère, néanmoins, que ce type de tradition ne soit confiné aux seules générations des aînés, mais qu'il soit adopté aussi et surtout par leurs descendants.

 

Pour beaucoup cette "mise à l'honneur" de Yennayer n'est qu'un juste retour des choses à leurs sources : la célébration de cette fête, de tout temps populaire, a été grandement contrariée par les événements tragiques liés à la tragédie nationale qui avaient alors entamé la joie de vivre des Algériens.

 

"Contrairement à ce qu'on peut penser, c'est une date qui appartient à tous les Algériens et qui était commémorée partout et cela est tout à fait logique, dès lors que Yennayer renvoie aux origines de tous les Algériens. C'est l'un des mythes fondateurs de notre société qu'il serait dangereux de vouloir effacer ou ignorer ", précise Zoubir Arous.

 

Egalement sociologue chercheur au Cread, il estime que "ce sont les tentatives de récupération politique, de tous bords, qui ont créé chez le citoyen des sentiments régionalistes et qui sont de nature préjudiciable pour notre héritage culturel, notre personnalité, voire pour notre devenir".

 

Friandises et ambiance joyeuse pour accueillir positivement l'année

 

Qu'il s'agisse de "Lâadjouza" pour l'Algérois, "El-Fetacha", "El-Mabdaâ" ou "Djenber" pour la Kabylie et les Aurès, la célébration du 12 janvier répond à la même symbolique : appréhender la nouvelle année sous les bons présages de profusion, de santé, de sérénité, de bonheur.

 

S'il est évident qu'au fil des décennies, le rite a connu une évolution mais aussi des perditions, il est heureux de constater que Yennayer ne disparaîtra pas de sitôt : fruits secs, friandises en tous genres, amandes et pistaches, consommés après un repas traditionnel spécialement conçu à l'occasion, continuent d'agrémenter les tables algériennes.

 

Le cérémonial varie selon les goûts et l'appartenance régionale des familles qui, soucieuses de perpétuer la transmission, s'empressent joyeusement de s'y conformer comme il se doit. Certaines coutumes ont hélas dû s'éclipser au profit d'exigences plus modernes, déplorent des nostalgiques de la tradition, à l'image d'Ali, retraité de son état et résidant à Bologhine.

 

"Je me rappelle que je me déguisais moi-même en simulant Lâadjouza pour effrayer les petits avant de les récompenser par des friandises. Chacun avait droit alors à sa petite bourse. De nos jours, ce rituel est plutôt rare, de même que d'autres démonstrations qui faisaient tant la joie des petits et des moins jeunes", déplore-t-il.

 

Yennayer est une fête païenne qui renvoie au calendrier agraire lequel était fêté depuis l'antiquité par les populations d'Afrique du nord. Elle correspond également au 1er jour de janvier du calendrier julien, lequel est décalé de 12 jours par rapport au calendrier grégorien.

 

par Mekioussa Chekir  (Source : www.aps.dz)

 

 

2 - (APS) vendredi 11 janvier 2013 12 : 17

Rites et croyances de Yennayer

NOUVEL AN AMAZIGH 2963

 

TIZI-OUZOU - La porte du nouvel an amazigh "Tabburt U Seggas" s'ouvre le 12 janvier de chaque année universelle, inaugurant, cette année, Yennayer 2963 du calendrier amazigh, dont le décompte aurait commencé en l'an 950 avant le Christ.

 

D'essence agraire, ce calendrier est basé sur les changements climatiques et les différents cycles de végétation qui déterminent les moments de travaux agricoles, rythmés par le positionnement des astres, dont notamment celui de la lune et du soleil.

 

Marquant l'avènement de la période séparant les deux cycles solaires, les solstices et les équinoxes, Yennayer signifie le départ du calendrier agricole amazigh, donnant lieu, encore de nos jours, en Kabylie comme ailleurs, à la pratique de rites liés aux travaux des champs, rythmant la vie des paysans.

 

Les mythes à l'origine de la fête

 

La célébration de cette manifestation millénaire aurait pour origine, d'après une croyance populaire très répandue dans les pays du Maghreb, un mythe selon lequel Yennayer (mois de janvier) aurait sollicité Furar (février) pour lui prêter un jour afin de punir une vieille femme qui l'aurait offensé.

 

Ce jour, dit-on, un violent orage se leva et poursuivit la vielle femme jusqu'à ce que mort s'en suivit. Depuis, ce mythe continue de symboliser, dans l'imaginaire populaire, le sort réservé à tout un chacun qui osera défier la nature.

 

Le nouvel an amazigh coïncide, également, avec la période de rupture des provisions que les ménages gardaient dans les amphores par mesure de prévoyance des disettes. Yennayer constitue aussi une halte pour faire le "bilan" d'une année qui s'achève et la préparation d'une autre qui commence.

 

L'occasion est, surtout, propice au renouvellement des forces spirituelles, par l'observance de rites et de sacrifices pour exorciser la faim et le malheur, et attirer l'abondance des récoltes. Cette finalité continue d'ailleurs d'être à la base de la célébration de cette fête, quoique les formes diffèrent d'une égion à une autre.

 

"Qui célèbre Yennayer, éloigne le mauvais £il et les infortunes", dit un adage populaire pour signifier que la paix et le bonheur méritent bien des sacrifices, appelés communément "asfel" et portant généralement sur l'immolation d'un coq, de préférence un gallinacé élevé aux grains, sur le seuil de la porte de la maison afin d'en éloigner le malheur et de dérouler le tapis au bien et à la fraternité.

 

Le dîner de Yennayer, une occasion pour la réconciliation

 

L'occasion donne lieu, en outre, à la préparation, la veille du nouvel an amazigh, du traditionnel dîner de Yennayer "Imensi n'Yennayer", consistant en un couscous au poulet, ou à la viande, arrosé de sauce et achalandé de légumes, consommé collectivement dans un même plat. Il est admis que rien n'est plus indiqué que ce moment de partage et de convivialité pour permettre à des personnes séparées par un différend quelconque de se réconcilier.

 

Le dîner servi, les membres de la famille se doivent de l'honorer en mangeant à satiété. En la circonstance, on n'oublie pas également d'offrir des assiettées "tunticht" aux voisins. Même les absents ont leur part : des cuillères symbolisant leur présence, et des rations leur sont laissées dans le plat collectif, censé rassembler tous les membres de la famille.

 

Les jours suivants ce dîner donnent lieu à la préparation d'autres mets, mais sans viande, à savoir "ufitiyan", une sorte de soupe faite à base d'une mouture de pois chiches, de blé et de fèves et autres céréales symbolisant la fécondité et l'abondance des récoltes, accompagnée de crêpes ou de beignets enduits de miel, pour présager une année faite toute de douceur et de délicatesse. De même qu'on s'abstient de manger des aliments épicés ou amers, pour éviter d'avoir une année du même goût.

 

La pratique d'autres rites, motivée également par le besoin de fécondité, est associée au cérémonial du présage du bonheur et de la prospérité, tel le fait de faire coïncider la célébration d'un mariage avec cet évènement, synonyme de fécondité, ou de faire, en cette occasion, au dernier né de la famille sa coupe de cheveux.

 

Par Cheballah Mohamed

 

Source : www.aps.dz

 

3 - Yennayer : histoire d'un mot

par Yidir Plantade

mardi 17 février 2009
par
Masin

 

 

Yennayer est un terme pan-nord-africain désignant le premier mois de l'année calculée selon le comput solaire dit julien [1]. Qu'on l'orthographie yennayer, ennayer, yannayer ou yannayr, ce terme est attesté aussi bien parmi les divers parlers amazighs [2] qu'en arabe vernaculaire nord-africain [3], dans les régions du Tell comme dans les zones désertiques sahariennes. Cette unité remarquable d'un bout à l'autre de l'Afrique du Nord pousse à s'interroger sur les origines de la présence de ce vocable dans la région. Yennayer étant le premier mois du calendrier julien, sa présence en Afrique du Nord est nécessairement liée à celle de ce dernier. Afin de remonter aux origines de Yennayer, il est donc indispensable d'analyser l'histoire de ce calendrier et de ses modes d'introduction et de diffusion à l'échelle nord-africaine.


Le calendrier julien est ainsi nommé du fait de son officialisation à Rome par Jules César, le célèbre général, pontife et consul, en l'an 45 avant Jésus-Christ. Inventé par l'astronome et philosophe grec Sosigène d'Alexandrie et s'inspirant partiellement de l'antique calendrier égyptien, ce calendrier organise l'année civile en tentant de l'identifier à la seule année tropique (ou année solaire). Celle-ci, connue au moins depuis l'astronome grec Hipparque (2ème siècle avant JC), se compose d'environ 365,242 jours. L'année julienne en compte 365,25 lesquels se décomposent en 12 mois de 28, 30 et 31 jours, ainsi qu'un jour intercalaire tous les 4 ans (année bissextile). Le calendrier julien est le premier calendrier construit selon une méthode "scientifique" basée sur une observation fine de l'écliptique solaire. Il constitue la base de ce qui est aujourd'hui connu comme "calendrier universel" ou "calendrier grégorien", né d'une réforme de ce calendrier julien par le pape Grégoire XIII, le 4 octobre 1582 [4].


Officialisé à Rome en remplacement de l'ancien calendrier romain, le calendrier julien se voit naturellement doté de noms de mois et de jours en langue latine. Ce sont ces noms, comme le relève Henri Genevois [5], que l'ont retrouve encore presqu'à l'identique en Afrique du Nord, tant en tamazight qu'en arabe. Ainsi, par exemple, Yennayer correspond au mois d'Ianiarius [6] (janvier), Abril à Aprilis (avril), 'Sutambar à September (septembre) ou Dujember à December (décembre).

Le fait que les calendriers nord-africains fassent débuter l'année solaire par le mois de Yennayer est une indication supplémentaire de leur origine latine. En effet, les Romains faisaient débuter l'année par Ianiarius, mois dédié au dieu Ianus, divinité des seuils, particulièrement appropriée pour symboliser l'année nouvelle [7].

Comme on le sait, Rome projeta sa puissance en Afrique dans le cadre d'une politique d'extension impériale et de colonisation : de la conquête de Carthage (146 av. JC) au démembrement du royaume numide de Juba Ier (46 av. JC) et enfin à l'administration directe de la Maurétanie suite à la mort de son roi Bocchus II (33 av. JC), Rome établit son empire à travers toute l'Afrique du Nord. Cette domination romaine se perpétue bon an mal an pendant cinq siècles jusqu'à la prise de Carthage par le roi vandale Genséric (439 après JC) [8]. On comprend donc pourquoi Jeannine Drouin, dans son article Calendriers Berbères [9], affirme (sans en donner de preuves) que la présence de Yennayer et du calendrier julien en Afrique du Nord constitue un héritage direct de la période romaine.

De fait, il existe en Afrique du Nord des traces anciennes de la célébration pendant cette période de la fête du Nouvel An romain, appelée "calendes de Janvier". Nous en retiendrons trois des plus significatives. C'est Tertullien (env. 150 � env. 230) qui nous fournit la première. De souche africaine, né et mort à Carthage, rigoureux Père de l'Eglise et premier théologien chrétien de langue latine, il s'est intéressé à la question des calendes de Janvier, ainsi qu'aux autres fêtes romaines préchrétiennes, au chapitre XIV de son ouvrage De l'idolâtrie, composé en 212. S'adressant à ses coreligionnaires chrétiens (à l'époque encore minoritaires dans le monde latin), il déplore et condamne leur habitude de célébrer ces fêtes constitutives d'un ordre païen qu'il rejette radicalement : "(�) la plupart [des Chrétiens] se sont persuadé qu'il était pardonnable d'agir comme les païens (...) Etait-ce en célébrant les saturnales et les kalendes de janvier qu'il [l'Apôtre] plaisait aux hommes ? (�) [Il] est interdit de suivre les superstitions païennes (�) néanmoins, nous assistons aux fêtes de Saturne, de Janus, du solstice d'hiver, de la grande matrone ! Nous échangeons des présents ! Nous donnons et recevons des étrennes ! Les jeux, les banquets retentissent pour nous ! (�) nous ne craignons pas qu'on ne nous prenne pour des païens !" [10]. Si Tertullien éprouve le besoin de décrire ces réjouissances pour s'en indigner, c'est qu'il peut constater leur pratique massive à Carthage, tant chez les pratiquants des cultes polythéistes que chez les Chrétiens.


La deuxième est une illustration concrète de cette célébration des calendes d'Ianiarius et se trouve parmi les mosaïques du calendrier mural retrouvé sur le site de l'antique Thysdrus (El Jem, Tunisie) [
11]. Daté entre 222 et 235, ce superbe ensemble de mosaïques, remarquablement bien conservé, représente, entre autres, dans la salle 6, les quatre saisons et les mois. La figure symbolisant Ianiarius représente deux hommes se donnant l'accolade, embrassades pratiquées au moins à partir du IIIème siècle à l'occasion du Nouvel An (coutume encore en vigueur de nos jours en Europe lors des fêtes de la Saint Sylvestre). A l'arrière-plan on distingue "une galette, le reste étant des fruits" [12]. La consommation de fruits, frais si possible, constitue une marque des repas du Nouvel An latin. Nous sommes donc en présence d'une représentation des calendes de Janvier, pratiquées alors en Afrique du Nord comme partout ailleurs dans l'empire romain.

Enfin, une troisième attestation de l'ancrage des célébrations de la fête de Ianus dans l'Afrique du Nord d'époque romaine nous est donnée un siècle et demi plus tard par Saint Augustin d'Hippone (354-430). Le natif de Thagaste (aujourd'hui Souk-Ahras, à l'Est de l'Algérie actuelle), également Père de l'Eglise, rejoint Tertullien et d'autres auteurs chrétiens de l'Antiquité (Jean Chrysostome, Asterios d'Amasée�) dans la condamnation des calendes de Janvier. A ses yeux, les fêtes de Nouvel An ne sont que les survivances de cultes à éradiquer dans la "Cité de Dieu" qu'il aspire à construire "contre les païens". D'ailleurs, pendant des siècles, l'Eglise va chercher à faire disparaître les calendes de Janvier, tentant de les remplacer par des fêtes chrétiennes telles que Noël ou Pâques. Cependant, Augustin ne semble pas être plus écouté par ses coreligionnaires africains que Tertullien ne l'était deux siècles plus tôt. Parmi un ensemble de 26 sermons récemment découverts et publiés en latin [13], s'en trouve un, supposément prononcé en 397 à Carthage par Augustin, alors tout jeune évêque d'Hippone, à l'occasion des calendes de Janvier. Véritable réquisitoire contre les célébrations de Nouvel An pendant qu'elles se déroulent dans la ville, ce sermon est anormalement long : deux heures trente. L'évêque cherchait manifestement à retenir ses ouailles dans la basilique le plus longtemps possible afin de les empêcher de prendre part aux réjouissances du dehors [14] !

Il s'avère donc que durant plusieurs siècles d'occupation romaine les fêtes d'Ianiarus, ancêtre de Yennayer, ont été célébrées en Afrique du Nord. Cependant, cela ne suffit pas pour présumer de la filiation directe de Yennayer avec l'Ianiarus romain. En effet, comme nous l'avons noté, Yennayer est connu dans toute l'Afrique du Nord, y compris dans l'extrême-sud du Sahara, chez les Touaregs (aujourd'hui Niger, Mali). Or ces zones n'ont jamais fait partie de l'empire romain et l'influence latine y était faible. De plus, on semble perdre la trace du vocable "Ianiarus" en Afrique du Nord après la chute de l'empire romain d'Occident. Saint Augustin est la dernière source latine africaine évoquant les calendes de Janvier. Ces célébrations ont probablement survécu à Rome, au moins dans certaines zones profondément romanisées, durant la période vandale (439-533) puis byzantine (533-711). Cependant, il n'existe pas à notre connaissance de document écrit ou iconographique l'attestant en Afrique du Nord qui, à la fin du VIIème siècle, connait un brutal bouleversement de civilisation : après des siècles passés sous domination romaine, la région passe en l'espace d'une conquête de cinquante ans sous le contrôle d'un nouvel acteur politique et idéologique : le califat islamique, dirigé dans un premier temps par les arabes Omeyades établis à Damas. Bouleversant toutes les habitudes, un système de croyance inédit, l'Islam, auquel va progressivement adhérer la majorité de la population, s'établit en Afrique du Nord, porté par un système administratif neuf. Les conquérants musulmans amènent avec eux un nouveau calendrier liturgique et civil : le calendrier dit "de l'Hégire" (dont l'an 1 correspond à l'an 622 de l'ère chrétienne) ou "calendrier musulman". Exclusivement lunaire, ce calendrier comprend 12 mois et 354 jours (355 tous les 10 ans), soit 11 de moins que l'année tropique. Ce calendrier est déconnecté du rythme de saisons, qui dépendent du soleil [15]. Le premier jour et premier mois de l'année sont appelés Muharram. Aujourd'hui, les fêtes de l'Achoura (taâcurt en tamazight), de l'Aïd al Fitr (lεïd amezyan) ou de l'Aïd al Adha (lεïd amqran), calculée selon le comput musulman sont � tout comme Yennayer � célébrées dans toute l'Afrique du Nord. L'arrivée de la langue arabe et de la religion islamique a également provoqué un effondrement des centres de civilisation latine qui y subsistaient (sac de Carthage en 698). Dans l'état actuel des connaissances, les différents écrits des érudits arabes des premiers siècles de la conquête de l'Afrique du Nord ne mentionnent ni calendrier julien, ni Ianiarius, ni Yennayer.

Ailleurs pourtant, dans les zones rassemblées sous l'autorité califale lors des fûtuhat (conquêtes islamiques), il est attesté que les pratiques de Nouvel An liées aux calendriers antéislamiques ont subsisté pendant des siècles. En 947, le célèbre historien et géographe al-Mas'ûdi, connu comme "l'Hérodote arabe", mentionne dans son ouvrage Muruj adh-dhahab wa ma'adin al-jawahir (Les prairies d'or et les mines de gemmes) que les calendes du nouvel an "chrétien" sont encore célébrées en Syrie et en Irak (premiers territoires conquis par les Arabes hors de leur péninsule, dès 640), y compris par de nombreux Musulmans. Il utilise pour décrire cette date et les fêtes qui l'entourent le terme latin kalendae, arabisé en qalandas. Ce même terme de qalandas est utilisé en 985 par le chroniqueur jérusalémite al-Muqaddasi pour décrire le 1er janvier, également fêté dans sa région [16]. En Egypte, c'est le Nouvel An copte (le mois de Thôt) qui reste une grande fête populaire sous le califat des Fatimides ismaéliens (Xe-XIIe siècles). La population de la nouvelle capitale du Caire et de la vallée du Nil joue à s'asperger d'eau, échange des présents, élit parmi la foule un "roi" comique pour la journée� toutes sortes de coutumes héritées de l'Antiquité. Après la chute des Fatimides et la conquête de l'Egypte par Saladin, le vizir de ce dernier, al-Fadhil, promulgue en 1195 un édit interdisant cette fête, jugée contraire à l'Islam. Le fait que des édits similaires aient été promulgués des décennies plus tard signifie que la population égyptienne n'a pas renoncé facilement aux célébrations de Thôt qu'elle a continué à pratiquer malgré leur interdiction [17].

A la lumière de ces exemples orientaux, il apparait significatif que le seul texte connu ayant trait au 1er janvier julien en Afrique du Nord à la même époque utilise lui aussi le vocable de qalendas. Il s'agit d'un passage d'un opuscule sur les règles régissant les rapports entre maîtres et élèves, rédigé par Abû l-Hasan al-Qâbisî [18]. Ce dernier est un docteur musulman de rite malékite, demeurant à Kairouan (Tunisie actuelle) et ayant vécu entre 935 et 1012, sous le règne de la dynastie amazighe des Zirides. Voici un extrait de la traduction dudit passage, proposée par H. R. Idris : "De même, il est blâmable d'accepter (des cadeaux) pour les fêtes des polythéistes au nombre desquelles figurent aussi : Noël, Pâques et les Calendes (de Janvier) chez nous, la Saint Jean en Andalousie (�) Que les Musulmans adoptent de bon c�ur pareilles pratiques (�) qu'ils fassent quelques uns de ces préparatifs, que les enfants s'amusent (�) à fabriquer des tabernacles aux Calendes (de Janvier) et à faire bombance à Noël, il ne le faut pas. Toutes ces pratiques ne conviennent pas aux Musulmans." Cette recommandation faite par un religieux musulman à l'ensemble de ses coreligionnaires, particulièrement ceux de sa région ("chez nous"), est une indication forte de la perpétuation de la célébration des calendes de Janvier en Afrique du Nord orientale, du moins dans certaines zones urbaines. On sait effectivement qu'ont subsisté jusqu'au XIIème siècle dans ces villes (Kairouan, Mahdia, Tripoli, Tunis, Qal'a Beni Hammad�) des communautés chrétiennes autochtones, lesquelles ont conservé l'antique calendrier romain. L'admonestation d'al-Qâbisi montre que cette fête, ainsi que certaines fêtes chrétiennes, était également célébrée par des Musulmans de Kairouan et d'ailleurs. Ironie de l'histoire : alors que durant l'Antiquité les prédicateurs chrétiens enjoignaient leurs ouailles de se tenir à l'écart du Nouvel An "païen", au Moyen-âge c'est au tour des prédicateurs musulmans d'interdire aux fidèles de participer à cette fête qu'ils qualifient de "chrétienne" !

 

Cependant, on doit également noter qu'al-Qâbisi utilise le terme de qalandas à l'instar des auteurs moyen-orientaux. S'il apporte donc la preuve que la nouvelle année julienne était célébrée dans les villes de l'Est de l'Afrique du Nord au Xème siècle, il ne nous renseigne pas sur l'éventuelle présence du vocable "Yennayer". De plus, la présence en Ifriqiya de minorités chrétiennes autochtones, encore latinisées et gardiennes du calendrier julien, touche à sa fin. Les faiblesses de la dynastie Ziride entraînent au XIIème siècle la conquête de la plupart des villes côtières de Lybie et d'Ifriqiya depuis Tripoli jusqu'à Bône (Annaba) par Roger II, souverain normand de Sicile. Ce dernier privilégie les minorités chrétiennes nord-africaines, et en fait ses alliés face aux Musulmans. Cependant, cette prépondérance normande ne dure que quelques décennies et prend fin lors de la conquête de toute l'Afrique du Nord par les amazighs almohades (milieu du XIIème siècle). L'émir almohade Abd el Moumin, par souci d'éliminer des alliés des Normands tout autant que par zèle religieux, massacre et expulse les chrétiens d'Ifriqiya. [19] Ces événements marquent la disparition de la chrétienté autochtone d'Afrique du Nord qui se servait encore du calendrier julien pour fixer son calendrier liturgique. La chaîne de transmission du calendrier romain est brisée. Il semble que l'on doive chercher ailleurs qu'en Afrique du Nord les origines de Yennayer tel qu'il est encore célébré de nos jours.

Mais vers quel ailleurs se tourner ? Il a été vu que, si les calendes de Nouvel An sont toujours célébrées en Egypte et au Proche et Moyen Orient à l'époque médiévale (il y subsiste de très importantes communautés chrétiennes), on les désigne en arabe sous le nom de qalendas ou de nawroz (vocable perse). Nulles traces écrites du terme Yennayer dans ces régions, pas plus qu'en Afrique du Nord. Dans l'ensemble du pourtour méditerranéen médiéval, nous n'avons de trace de l'utilisation du vocable '"Yannayr" pour désigner le mois de janvier latin que dans un seul et unique lieu : l'Andalousie musulmane [20]. Conquise pour le compte du calife omeyade de Damas par les troupes amazighes de Tarik Ibn Ziad en 711, l'Andalousie wisigothe est bien plus profondément latinisée que l'agonisante Afrique du Nord byzantine à la même époque. La population de souche hispanique y parle une forme de latin tardif et populaire, le romance, qui influencera dans une certaine mesure la langue arabe amenée par les nouveaux conquérants. Ici aussi l'utilisation du vieux calendrier julien christianisé va perdurer par delà la conquête islamique. C'est en effet un Andalou, natif de Cordoue, Muhammad ibn Waddah al-Qurtubi (mort en 900), qui est le premier auteur à condamner la pratique des célébrations du Nouvel An comme contraire à l'Islam [21] dans son ouvrage Al-Bida' wa'l-Nahiy 'anhaa, premier livre spécifiquement écrit par un savant musulman contre la bid'a (l'innovation en religion). Cependant al-Qurtubi utilise le terme perse passé en arabe Nawroz et non pas Yannayr.

La première trace formelle et systématique de la transmission du calendrier julien latin chez les lettrés arabophones musulmans se rencontre dans le célèbre Calendrier de Cordoue [22]. Cet ouvrage est composé en 961 par Recemundo, évêque chrétien d'Elvira également connu sous le nom arabe de Rabî ibn Zayd, conseiller et diplomate à la cour des califes cordouans Abd el Rahman III et al-Hakam II [23]. Ce calendrier composé en arabe (il est traduit en latin au XIIème siècle par Gérard de Crémone) reprend la division romaine du temps (calendrier julien), à laquelle vient s'ajouter "un traité arabe de météorologie populaire" [24] Le Calendrier de Cordoue indique pour chaque mois les différentes fêtes chrétiennes, les grands aspects météorologiques du mois, les principaux événements agricoles qui le scandent ainsi que l'alignement des constellations astrales (selon la mode moyen orientale).

Cet ouvrage va s'avérer décisif car il est réutilisé par de très nombreux agronomes musulmans d'Al Andalus. En effet, ces derniers reconnaissent que le calendrier solaire julien permet de suivre les saisons (déterminées par la révolution de la Terre autour du soleil) contrairement au calendrier lunaire musulman. De nombreux agronomes, météorologues et médecins tels qu'al-Mamûn de Tolède, Abû-l-Mutarrif ibn Wâfid, Abû Abd Allâh ibn Bassâl, Abu Umar ibn Hajjaj, Abû-l-Khayr, al-Tighnari de Grenade et surtout Abû Zakariyâ ibn al-Awwâm avec son célèbre traité d'agriculture "Kitâb al Filaha" rédigé en 1175, vont créer une "véritable révolution scientifique" [25] dans le domaine agraire. Ils combinent avantageusement la maîtrise du calendrier solaire julien transmis par Recemundo avec les traités d'agriculture pré-arabe venus de Syrie, au premier rang desquels le traité d'Agriculture Nabatéenne publié en arabe par Ibn Wahsiyya [26]. Ainsi, l'�uvre maîtresse de cette école, le Kitâb al Filaha d'al-Awwâm, se base sur le calendrier julien pour décrire le déroulé de l'ensemble des activités agricoles de l'année, le faisant correspondre en permanence avec les calendriers syrien, persan et hébreu. C'est de cet ouvrage encyclopédique andalou que sont entrés dans le vocabulaire nord-africain des termes tels que lyali ou smayem, encore utilisés au XXème siècle et désignant des périodes de 40 jours chacune, l'une hivernale, l'autre estivale [27]. Ces termes (que l'on prend parfois par erreur pour de l'arabe) sont en effet des noms syriaques, utilisés par al-Awwâm dans son livre en complément du comput julien.

Nous avons maintenant établi que, tandis que l'Afrique du Nord islamisée perdait progressivement l'usage des traditions latines, les élites musulmanes d'Andalousie s'appropriaient le calendrier julien d'une façon originale et répandaient son usage dans tous les travaux agricoles, lesquels occupaient la majeure partie de la population à cette époque. Qu'en est-il cependant du terme de "Yannayr" ?
Ce dernier apparaît pour la première fois, et ce n'est pas un hasard, dans des poèmes rédigés par le turbulent auteur cordouan Muhammad Ibn Quzman (1078-1116). Aujourd'hui encore considéré comme le maître du genre poétique zajal (lequel, par son aspect populaire, s'oppose à la qasida, plus formelle), Ibn Quzman, poète ribaud, buveur et aventurier, est un des premiers auteurs arabophones d'Al-Andalus à utiliser un grand nombre de termes romances dans ses textes. Là où le bon goût de l'époque demande que l'on use d'un arabe "purement" moyen-oriental, Ibn Quzman n'hésite pas à puiser dans l'arabe populaire andalou, lequel a absorbé de nombreux mots romances. C'est ainsi qu'à deux reprises (poèmes 40 et 79 de son Diwan) le poète utilise le terme "aïd al Yannayr" pour évoquer les célébrations du 1er Janvier. Mieux encore, il décrit avec minutie les différents fruits consommés par le peuple de Cordoue pour l'occasion [
28]. Il apparaît donc que le calendrier julien est non seulement connu des élites lettrées arabo-andalouses, mais également de la population, laquelle (Chrétiens et Musulmans, à l'instar d'ibn Quzman) célèbre la nouvelle année lors d'une fête appelée "Yannayr", terme hispano-romance passé en arabe andalou. L'existence de ce Yannayr romance est confirmée par le docteur religieux malékite Abu Bakr Muhammad al Turtusi (1059-1126), qui affirme dans son ouvrage contre les nouveautés et les innovations en religion intitulé Kitab al hawadit wa-l bida que les mozarabes (chrétiens de souche hispanique vivant en Al-Andalus) célèbrent chaque année Yannayr en mangeant des fruits frais (al-fawakīh) [29].

S'il est avéré que les Musulmans andalous connaissaient le calendrier julien et qu'au moins une partie de leur population célébrait la fête de Yannayr, quelle preuve a-t-on de sa diffusion en Afrique du Nord ? Outre le fait qu'à partir du XIème siècle l'Andalousie est intégrée politiquement aux grands empires amazighs almoravide puis almohade (ce qui favorise la diffusion des livres, des idées et des coutumes entre les deux régions), la réponse est contenue dans un manuscrit du XIIIème siècle, Al durr al munazam. [30] Ce texte a été rédigé sur plusieurs décennies par Abu al Abbas al-Azafi, puis par son fils Abu al Qasim al-Azafi. Le père, Abu al Abbas, en commence la composition en 1236. Après sa mort et à sa demande, son fils apporte la touche finale à l'ouvrage en 1259. L'intérêt de cet ouvrage est que leurs auteurs ne sont pas des Andalous mais des Nord-Africains : Abu al Abbas al-Azafi est grand cadi (juge musulman) de la ville de Ceuta (nord du Maroc actuel) et son fils Abu al Qasim parvient à y prendre le pouvoir en 1250, se parant du titre d'émir et y fondant une brève dynastie. Il s'agit donc de personnages importants, versés dans les lettres islamiques. C'est d'ailleurs au titre de la religion qu'Abu al Abbas entreprend la rédaction d'Al durr : il souhaite lancer à ses coreligionnaires un "avertissement contre les nouveautés" (muhdathat al-umur) qui font sortir les Musulmans d'Afrique du Nord du sentier tracé par "les pieux anciens" (salaf al-muslimin), à savoir le prophète Muhammad et ses compagnons, qu'il convient d'imiter en tous points. Il est particulièrement intéressant de noter qu'al-Azafi père et fils sont horrifiés par les "innovations" (bida) qui se répandent en Afrique du Nord en provenance d'Al-Andalus et qui semblent particulièrement prisées par les habitants, malgré leur foi musulmane. Parmi ces dernières, les al-Azafi distinguent tout particulièrement "l'anniversaire de Jésus [Noël] (�) et al-Yannayr, sept jours plus tard". Ils expliquent à leurs lecteurs nord-africains que ces fêtes ont été condamnées par les oulémas andalous et qu'ils ne doivent pas s'y prêter. Le ton alarmiste employé par les auteurs laisse supposer que les célébrations de Yannayr sont déjà très largement répandues dans la région à l'époque de la rédaction de leur ouvrage. On doit également signaler à titre anecdotique qu'Abu al Abbas al-Azafi propose, afin de contrer ces fêtes impies, d'introduire en Afrique du Nord une fête musulmane qui serait certes une innovation, mais non blâmable : la célébration de l'anniversaire du prophète Muhammad, dite "Mouloud". Al Azafi pense qu'en célébrant le Mouloud, les Musulmans pourront assouvir leurs désirs de rituels festifs sans déroger aux principes de la religion islamique. Cette fête, déjà connue à l'époque en Syrie et en Egypte, ne semblait pas pratiquée en Afrique du Nord. C'est Abu al Qasim al-Azafi, lorsqu'il accède au pouvoir à Ceuta qui, le premier et afin de satisfaire aux désirs de son père défunt, officialise dans la région la fête du Mouloud. Cette fête est encore célébrée de nos jours en Afrique du Nord. Peu de gens savent qu'elle y a été introduite afin de faire concurrence à Yannayr et aux feux de joies de l'Ansara (Saint Jean) [31].

La piste du Yannayr andalou aboutit donc bien en Afrique du Nord, puisque les écrits d'al-Azafi nous informent que cette fête, qui pour lui provient d'Andalousie, a largement gagné la région au début du XIIIème siècle. Au-delà de l'aspect festif, la diffusion du calendrier julien à l'échelle nord-africaine à partir de la science andalouse s'effectue par l'intermédiaire d'ouvrages rédigés par des savants nord-africains après la perte de l'essentiel des territoires d'Al-Andalus par les Musulmans (XIIIème siècle). L'astronomie et l'établissement de dates à partir du calendrier julien devient un savoir pratiqué par de nombreux lettrés [32]. Ils s'appuient tout d'abord sur le célèbre ouvrage d'Abu Miqra al Battawi, originaire du Rif (Maroc actuel), auteur d'un traité d'astronomie daté aux alentours de 1330 et qui fait autorité jusqu'au XVIIIème siècle. La science d'Abu Miqra est explicitée dans un ouvrage en vers d'al-Marghiti, contenant notamment un "poème didactique sur le calendrier". Al Akhdari (1512-1585), natif de Biskra (Algérie actuelle), rédige un traité entièrement consacré aux calendriers, là encore sous forme de poème didactique. Cet ouvrage servira de référence à tous les savants nord-africains. Le principal successeur d'Abu Miqra apparait au XVIIème siècle en la personne d'As-Susi, originaire du Maroc et mort en 1679. Son traité Nazm al Mumti fi Sharh al-Muqni permet notamment de "déterminer quel jour tombe le 1er janvier d'une année quelconque" [33]. Il est frappant de constater que ces ouvrages (ou des commentaires de ces ouvrages) ont circulé jusqu'à la fin du XIXème siècle parmi les lettrés d'Afrique du Nord. A titre d'exemple, on relève en 1872 la présence de l'ouvrage d'al-Akhdari et d'un commentaire sur As-Susi dans des bibliothèques de lettrés religieux de la Kabylie des Babors (Aït Wartilan, Aït Yala) [34]. Cette connaissance du calendrier Julien de quelques lettrés nord-africains arabisants et maîtrisant les manuels d'astronomie hérités de la science andalouse médiévale est attesté jusqu'au début du XXème siècle dans les régions les plus désertiques : durant la colonisation de la Maurétanie, en 1909, le commandant français Ganen note que "Les littérateurs maures abordent volontiers des sujets astronomiques ou relatifs au comput du temps. L'un d'eux, Ben Abdem, de la tribu nomade des Ideyqob (Ida Yaqoub), Berbères de l'Ouest, énumère des constellations qui se lèvent au coucher du soleil, et donne, d'après le calendrier julien, la date où elles deviennent visibles. (�) Un autre ouvrage dit le moyen de savoir quel jour tombe le ler janvier d'une année quelconque : il est intitulé As-Sousi" [35].

Enfin, il faut noter que les mentions de célébrations de Yennayer en Afrique du Nord, absentes des chroniques et des relations de voyages durant plus de quatre siècles se multiplient après le moment où al-Azafi, au XIIème siècle, se lamente de voir la fête andalouse d'al-Yannayr s'imposer dans sa région. Au XVème siècle, Hassan al-Wazzan (1488-1548), plus connu sous le nom de Léon l'Africain, mentionne qu'il a vu, dans la ville de Fès, "quelques anciennes coutumes des fêtes délaissées par les chrétiens", notamment "le premier jour de l'an, les enfants vont en masque par les maisons des gentilshommes, demandant des fruits, avec chansons de peu de substance" [36]. Moins d'un siècle plus tard, le géographe et historien espagnol Marmol y Carvajal (fait prisonnier à Tunis en 1536 et ayant vécu huit années en Afrique du Nord) aborde, dans sa description générale de l'Afrique, la question des calendriers suivis par les populations : "Il y a quantité de ces peuples, tant Africains qu'Arabes, qui sans savoir lire, ni écrire, rendent des raisons suffisantes touchant le labourage, par les règles de l'Astronomie : mais ils tirent ces règles du trésor de l'Agriculture, qui fut traduit de Latin en Arabe en la ville de Cordoue. (�) Dans ce livre sont contenus les douze mois de l'année en Latin, et ils les suivent pour ce qui concerne le labourage" [37]. Il note également que "les Africains comptent en l'année quarante jours de froid âpre et quarante jours de chaleur excessive", ce qui correspond aux fameuses périodes syriaques de lyali et smayem du Kitab al Filaha andalou.

Cet élément supplémentaire s'ajoute au faisceau d'indices concordants énumérés ci-dessus, montrant que l'Andalousie médiévale constitue la source principale de la réintroduction du calendrier julien en Afrique du Nord ainsi que du vocable même de Yennayer. Cependant, le fait que le calendrier agraire nord-africain ait intégré au fil du temps ces éléments latins revisités par les savants andalous n'ôte en rien leur caractère proprement amazigh aux célébrations rituelles qui lui sont associées.

Yidir PLANTADE

 

Source http://www.tamazgha.fr/Yennayer-histoire-d-un-mot,2388.html

 

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Une traduction vers l'anglais proposée par Karim de Sidney

 

Yennayer: History of a word, By Yidir PLANTADE

 

Yennayer is a term pan-North African designating the first month of the year calculated using the solar reckoning said Julian. [1] That the spells Yennayer, ennayer, or yannayer yannayr this term is attested both among the various dialects Amazigh [2] in vernacular Arabic North African [3], in the regions of Tell as in desert areas Sahara. This remarkable unit from one end to another in North Africa leads to a consideration of the origins of this term presence in the region. Yennayer being the first month of the Julian calendar, its presence in North Africa is necessarily linked to that of the latter. To trace the origins of Yennayer, it is essential to analyze the history of the calendar and its modes of introduction and spread across North Africa. The Julian calendar is so named because of its formalization in Rome by Julius Caesar, the famous general and consul Pontiff, in the year 45 BC. Coined by the Greek philosopher and astronomer from Alexandria Sosigenes and partially inspired from the ancient Egyptian calendar, this calendar organizes the calendar year in an attempt to identify the one tropical year (or solar year). The latter, known at least since the Greek astronomer Hipparchus (2nd century BC), consists of approximately 365.242 days. The Julian year 365.25 into account which are broken down into 12 months of 28, 30 and 31 days and a leap day every four years (leap year). The Julian calendar was the first built by a method "scientific" based on a detailed observation of the solar ecliptic. It is the basis of what is today known as "universal calendar" or "Gregorian calendar", born of a reform of the Julian calendar by Pope Gregory XIII, October 4, 1582 [4]. Formalized in Rome in replacement of the old Roman calendar, the Julian calendar is naturally sees with names of months and days in Latin. These are the names, as noted Henri Geneva [5] have found that even almost to the same in North Africa, both Tamazight and Arabic. Thus, for example, corresponds to Yennayer months Ianiarius [6] (January) to Aprilis Abril (April), 'Sutambar in September (September) or Dujember in December (December). Schedules that make North African solar year begin with the month of Yennayer is a further indication of their Latin origin. Indeed, the Romans were Ianiarius start the year, the month dedicated to the god Ianus goddess of thresholds, particularly suitable to symbolize the new year [7]. As we know, Rome threw his power in Africa as part of a policy of imperial expansion and colonization: the conquest of Carthage (146 BC. BC) to the dismemberment of the kingdom Numidian Juba I (46 BC. JC ) and finally the direct administration of Mauritania following the death of his king Bocchus II (33 av. JC), Rome established his empire throughout North Africa. The Roman  domination continues year after year for five centuries until the capture of Carthage by the Vandal king Genseric (439 AD). [8] It is therefore understandable why Jeannine Drouin, in his article Calendars Berbers [9] states (without providing evidence) that the presence of the Julian calendar Yennayer and North Africa is a direct legacy of the Roman period. In fact, there are in North Africa traces of ancient celebration during this time of the Roman New Year festival, called "calends of January." We focus on three of the most significant. It is Tertullian (ca. 150 - ca. 230) which provides us with the first. Of African descent, born and died in Carthage, rigorous Father of the Church and the first Christian theologian of the Latin language, he became interested in the question of the Kalends of January, as well as other pre-Christian Roman festivals, Chapter XIV In his book, idolatry, composed in 212. Addressing his fellow Christians (at the time still a minority in the Latin world), he deplores and condemns the habit of celebrating these festivals constitute an order radically reject pagan: "(...) most [ Christians] were convinced that it was forgivable act as pagans (...) Was it by celebrating Saturnalia and the Kalends of January he [the Apostle] liked men? (...) [It ] is forbidden to pagan superstitions (...) However, we attend festivals of Saturn, Janus, the winter solstice, the great matron! We exchange presents! We give and receive Christmas bonus! games, the Banquet resound for us (...) we do not fear that we are not mistaken for pagans! " [10]. If Tertullian feels the need to describe the festivities to be indignant is that it can be seen massive practice in Carthage, both among practitioners of polytheistic cults than among Christians. The second is a concrete illustration of this celebration of the Kalends of Ianiarius and is among the mosaic wall calendar found on the site of the ancient Thysdrus (El Jem, Tunisia). [11] Dated between 222 and 235, this superb mosaics, remarkably well preserved, represents, among others, in room 6, the four seasons and months. The figure symbolizing Ianiarius is giving two men a hug, hugs practiced at least from the third century on the occasion of New Year (custom still in force today in Europe during the Christmas New Year's Eve). In the background there are "a cake, the rest being fruit". [12] Consumption of fruits, fresh if possible, is a brand New Year meal Latin. We are thus confronted with a representation of the Kalends of January, then practiced in North Africa as elsewhere in the Roman Empire. Finally, a third statement of anchoring Day celebrations of Ianus in North Africa of Roman given us a century and a half later by Saint Augustine of Hippo (354-430). The native Thagaste (now Souk-Ahras, east of Algeria today), also Church Father, Tertullian and joined other Christian writers of antiquity (John Chrysostom, Asterios of Amasia ...) in the condemnation of the Kalends of January. In his eyes, the New Year celebrations are the survivals of cults to eradicate the "City of God" that aims to build "against the pagans." Indeed, for centuries, the Church will seek to remove the Kalends of January, attempting to replace Christian festivals such as Christmas or Easter. However, Augustine does not seem to be listened to by his fellow Africans that Tertullian was two centuries earlier. Among a group of 26 recently discovered and published sermons in Latin [13], one can be found, supposedly delivered to Carthage in 397 by Augustine, a young bishop of Hippo, on the occasion of the Kalends of January. Powerful indictment against the New Year celebrations as they take place in the city, this sermon is unusually long: half past two. The bishop was clearly looking to retain his flock in the church as long as possible to prevent them from taking part in the festivities outside [14]! It therefore appears that during several centuries of Roman occupation the parties Ianiarus ancestor of Yennayer, were celebrated in North Africa. However, it is not enough to assume the direct link with the deYennayer Ianiarus Roman. Indeed, as we noted, Yennayer is known throughout North Africa, including in the extreme south of the Sahara, the Tuareg (now Niger, Mali). However, these areas have never been part of the Roman Empire and the Latin influence was weak. In addition, it seems to lose track of the term "Ianiarus" in North Africa after the fall of the Western Roman Empire. St. Augustine is the last source evoking the African Latin calends of January. These celebrations were probably survécuà Rome, at least in some areas deeply Romanized during the Vandal period (439-533) and Byzantine (533-711). However, it does not exist in our knowledge of the written or pictorial evidence in North Africa at the end of the seventh century, is experiencing a sudden upheaval of civilization after centuries under Roman rule in the region is space conquest fifty years under the control of a new political actor and ideological Islamic Caliphate, led initially by the Arab Umayyads established in Damascus. Upsetting all habits, a novel belief system, Islam, which will gradually join the majority of the population, settled in North Africa, supported by a new administrative system. Muslim conquerors brought with them a new liturgical calendar and calendar: Calendar called "AH" (including one year corresponds to the year 622 of the Christian era) or "Muslim calendar." Exclusively lunar calendar that includes 12 months and 354 days (355 every 10 years), 11 less than the tropical year. This calendar is disconnected from the rhythm of the seasons, depending on the sun. [15] The first day and first month of the year are called Muharram.Aujourd 'Today, celebrations of Ashura (taâcurt Tamazight), Eid al Fitr (lεïd amezyan) or Eid al Adha (lεïd amqran ), calculated according to the computation are Muslim - as Yennayer - celebrated throughout North Africa. The arrival of the Arabic language and the Islamic religion has also caused the collapse of Latin civilization centers remained there (bag of Carthage in 698). In the current state of knowledge, the various writings of Arab scholars of the early centuries of the conquest of North Africa do not mention Julian calendar, or Ianiarius or Yennayer. Elsewhere, however, in areas collected under the authority of the caliph at Futuhat (Islamic conquests), there is evidence that the practice of New Year-related pre-Islamic calendars have survived for centuries. In 947, the famous historian and geographer al-Mas'udi, known as the "Arab Herodotus", mentions in his book adh-Muruj dhahab wa al-Jawahir ma'adin (Meadows of gold and mines of gems) the calends New Year "Christian" are still celebrated in Syria and Iraq (first territories conquered by the Arabs out of their peninsula from 640), including many Muslims. He uses to describe this date and the festivities that surround the Latin term kalendae, in qalandas Arabized. The same term is used in 985 qalandas by the chronicler al-Jerusalemite Muqaddasi to describe January 1, also celebrated in its region. [16] In Egypt, the Coptic New Year (the month of Thoth) which remains a popular festival in the Ismaili Fatimid Caliphate (tenth-twelfth centuries). The population of the new capital of Cairo and the Nile Valley plays at water spray, exchange gifts, elect from among the crowd a "king" comic for the day ... all sorts of customs inherited from antiquity. After the fall of the Fatimids and the conquest of Egypt by Saladin, the vizier of the latter, al-Fadhil, promulgated in 1195 an edict banning the party deemed contrary to Islam. The fact that similar edicts were promulgated decades later means that the Egyptian population has not given easily celebrations Thôt she continued to practice despite their prohibition. [17] In the light of these examples East, it appears significant that the only known text related to Julian 1 January in North Africa at the same time also uses the term to qalendas. This is a passage from a pamphlet on the rules governing the relationship between teachers and students, written by Abu l-Hasan al-Qâbisî [18]. The latter is a Muslim doctor of the Maliki rite, residing in Kairouan (Tunisia today) and who lived between 935 and 1012, during the reign of the Zirid dynasty Amazigh. Here is an excerpt from the translation of this passage, proposed by H. R. Idris: "Similarly, it is reprehensible to accept (gifts) for Christmas polytheists among which are also Christmas, Easter and Kalends (in January) at home, the St. John in Andalucia (...) That Muslims adopt such practices good heart (...) they make some of these preparations, the children play (...) to make tabernacles to Kalends (in January) and feasts at Christmas, he does not need not. Such practices are not suitable for Muslims. " The recommendation made by a Muslim cleric in all of his coreligionists, especially those in the region ("home"), is a strong indication for the perpetuation of the celebration of the Kalends of January in eastern North Africa, at least in some urban areas. What we know actually survived until the twelfth century in these cities (Kairouan, Mahdia, Tripoli, Tunis, Qal'a Beni Hammad ...) indigenous Christian communities, which have preserved the ancient Roman calendar. The admonition al-Qâbisi shows that this festival, as well as some Christian holidays, was also celebrated by Muslims Kairouan and elsewhere. Irony of history: while in ancient Christian preachers enjoined their followers to stay away from the New Year "pagan" in the Middle Ages it was the turn of Muslim preachers to prohibit faithful participate in this festival they call "Christian"! However, it should also be noted that al-Qâbisi uses the term qalandas like the Middle Eastern authors. If therefore provides new evidence that the Julian year was celebrated in the towns of eastern North Africa in the tenth century, we do not provide information on the possible presence of the word "Yennayer." In addition, the presence of Ifriqiya indigenous Christian minorities still romanized and guardians of the Julian calendar comes to an end. Weaknesses of the Zirid dynasty in the twelfth century lead the conquest of most coastal cities of Libya and Tripoli from Ifriqiya to Bone (Annaba) by Roger II, Norman king of Sicily. This favors the Christian minorities in North Africa, and in fact its allies against the Muslims.However, this preponderance Norman takes only a few decades and ended in the conquest of the whole of North Africa by Amazigh Almohad (mid-twelfth century). The Almohad Emir Abd el Mumin, for the sake of eliminating allies of the Normans as well as by religious zeal, killing and expelling the Christians of Ifriqiya. [19] These events mark the disappearance of indigenous Christianity in North Africa, which was still used the Julian calendar to determine its liturgical calendar. The chain of transmission is broken Roman calendar. It seems that we must look elsewhere in North Africa the origins of Yennayer as it is still celebrated today. But also how to turn? It has been seen that if the calends are always celebrated New Year in Egypt and the Middle East in the Middle Ages (there are still very large Christian communities), they are referred to in Arabic as the qalendas or of Nawroz (Persian word). Zero the term Yennayer trail in these areas, nor in North Africa. Throughout the medieval Mediterranean, we have no trace of the use of the term "Yannayr" to designate the month of January in Latin a single place: Muslim Andalusia. [20] Conquered on behalf of the Umayyad caliph in Damascus by the troops of Tarik Ibn Ziad Amazigh in 711, the Visigothic Andalusia is much more deeply Latinized as dying Byzantine North Africa at the same time. Strain Hispanic population speaks a form of Late Latin and popular romance, which will affect to some extent the Arabic language brought by the new conquerors. Here again the use of the old Julian calendar Christianized will endure beyond the Islamic conquest. It is in fact an Andalusian, a native of Cordoba, Muhammad ibn al-Qurtubi Waddah (d.900), who is the first author to condemn the practice of New Year celebrations as contrary to Islam [21] in his book Al-Bida 'wa'l-Nahiy' anhaa first book specifically written by a Muslim scholar against bid'ah (innovation in religion). However, al-Qurtubi uses the term Persian Arabic Nawroz past and not Yannayr. The first trace formal and systematic transmission of the Julian calendar in Latin Arabic Muslim scholars meeting in the famous Calendar of Cordoba. [22] This work is composed by 961 Recemundo, Christian bishop of Elvira also known as the Arab Rabi ibn Zayd, advisor and diplomat at the court of the caliphs Abd al Rahman III Cordoba and al-Hakam II. [23] This calendar composed in Arabic (it is translated into Latin in the twelfth century by Gerard of Cremona) takes the Roman division of time (Julian calendar), to which is added a "popular Arabic treatise Meteorology" [24] LeCalendrier Cordoba shows for each month the various Christian festivals, major aspects of weather months, major agricultural events that punctuate and alignment of astral constellations (in Middle Eastern fashion). This book will prove decisive because it is reused by many agronomists Muslims of Al-Andalus. Indeed, they recognize that the Julian solar calendar keeps track seasons (determined by the revolution of the Earth around the Sun) unlike the Islamic lunar calendar. Many agronomists, meteorologists and physicians such as al-Mamun of Toledo, Abu-l-Mutarrif ibn Wafid, Abu Abd Allah ibn Bassal Abu Hajjaj ibn Umar, Abu-l-Khayr al-Tighnari Granada and especially Abu Zakariya ibn al-Awwam with his famous treatise on agriculture "Kitab al FILAHA" written in 1175, will create a "scientific revolution" [25] in the agrarian sector. They combine advantageously control the solar calendar with Julian transmitted by Recemundo treaties agriculture pre-Arab from Syria, first and foremost the Treaty of Nabatean Agriculture published in Arabic by Ibn Wahsiyya [26]. Thus, the masterpiece of this school, the Kitab al-al FILAHA Awwam, based on the Julian calendar to describe the place of all the agricultural activities of the year, matching continuously with calendars Syrian, Persian and Hebrew. It is this encyclopedic Andalusian that entered the North African vocabulary words such as lyali or smayem still used in the twentieth century and designating periods of 40 days each, one winter and one summer [27 ]. These terms (which is sometimes mistaken for from Arabic) are indeed Syriac names used by al-Awwam in his book, in addition to the Julian reckoning. We have now established that while North Africa gradually Islamized lost the use of Latin traditions, Muslim elites of Andalusia appropriated the Julian calendar in an original way and spread its use in all agricultural work, which occupied the majority of the population at that time. What, however, the term "Yannayr"? It appears for the first time, and it is not a  coincidence, in poems written by the author turbulent cordovan Muhammad Ibn  Quzman (1078-1116). Still regarded as the master of poetic genre zajal (which, by its popular, opposes the qasida, more formal), Ibn Quzman, ribald poet, adventurer, drinker and is one of the first Arabic authors Al �Andalus to use a large number of terms romances in his texts. Where the taste of the times demand that we use an Arab "pure" Middle East, Ibn Quzman not hesitate to tap into the popular Andalusian Arabic, which has absorbed many words romances. Thus only twice (40 and 79 poems sonDiwan) the poet uses the term "Eid al Yannayr" to discuss the celebrations of January 1st. Better yet, it describes in detail the different fruits consumed by the people of Cordoba for the occasion. [28] It therefore appears that the Julian calendar is not only known Arab-Andalusian literate elites, but also of the population, which (Christians and Muslims, like ibn Quzman) celebrates the new year at a party called " Yannayr "Hispano-term romance in Arabic Andalusian past. The existence of this Yannayrromance is confirmed by Dr. Abu Bakr Muhammad religious Maliki al Turtusi (1059-1126), who says in his book against novelties and innovations in religion entitled Kitab al bida wa-l hawadit the Mozarabic (Christian strain Hispanic living in Al-Andalus) Yannayr celebrate every year by eating fresh fruits (al-fawakīh) [29]. If it is found that the Andalusian Muslims knew the Julian calendar and at least a  portion of their population celebrated the feast of Yannayr, what evidence is there of its release in North Africa? Besides the fact that from the eleventh century Andalusia is politically integrated to the great empires Amazigh Almoravid and Almohad (which promotes the dissemination of books, ideas and customs between the two regions), the answer is contained in a manuscript thirteenth century, Al munazam durr al. [30] The text was written over several decades by Abu al-Abbas al Azafi, then by his son Abu al-Qasim al Azafi. The father, Abu al Abbas, the composition begins in 1236. After  his death and at his request, his son adds the final touch to the work in 1259. The interest of this book is that the authors are not Andalusians but North Africans: Abu al-Abbas al Azafi is great qadi (Muslim judge) of the city of Ceuta (current northern Morocco) and his son Abu al Qasim manages to take power in 1250, adorning themselves the title of Emir and founded and a brief dynasty. It is therefore important persons versed in Islamic letters. This is also under Abu al Abbas religion started writing Al durr: he wants to launch his fellow "warning against the new" (al-muhdathat Umur) that Muslims out of North Africa the path traced by "pious old" (al-salaf muslimin), namely the Prophet Muhammad and his companions should imitate in every way. It is particularly interesting to note that al-Azafi father and son are horrified by the "innovations" (bida) that spread in North Africa from Al-Andalus, which seem particularly popular with the locals, despite their faith Muslim. Among the latter, al-Azafi particularly distinguished "the birthday of Jesus [Christmas] (...) and al-Yannayr seven days later." They explain to their readers that these North African celebrations were condemned by clerics Andalusian and they should not undertake it. The alarmist tone used by the authors suggests that Yannayr celebrations are already widespread in the region at the time of writing their book. It should also be noted as anecdotal Abu al-Abbas al Azafi proposes to counter these festivals wicked to introduce in North Africa a Muslim holiday that would certainly be an innovation, but not blameworthy: the birthday celebration the Prophet Muhammad, called "Mouloud". Al Azafi think that celebrating Mouloud, Muslims can fulfill their desires festive rituals without departing from the principles of the Islamic religion. This festival is already known at the time in Syria and Egypt, did not seem practiced in North Africa. This is Abu al-Qasim al Azafi when came to power in Ceuta was the first and to meet the wishes of his late father, formalized in the region Mouloud festival. This festival is still celebrated today in North Africa. Few people know that it has been introduced in order to compete Yannayr and bonfires of Ansara (Saint John). [31] The trail leads therefore Yannayr Andalusian North Africa, since the writings of al-Azafi inform us that this festival, which for him comes from Andalusia, has largely won the region in the early thirteenth century. Beyond the festive aspect, the diffusion of the Julian calendar in North Africa from the Andalusian science is done through books written by scholars in North Africa after the loss of the most of the territories of Al-Andalus by Muslims (XIII century). Astronomy and building dates from the Julian calendar becomes knowledge practiced by many scholars. [32] They rely first of all on the famous work of Abu al Battawi Mikra, from the Rif (Morocco present), author of a treatise on astronomy dated to around 1330 and authoritative until the eighteenth century. Abu Mikra science is explained in a book in verse al-Marghiti, containing a "didactic poem on the calendar." Al Akhdari (1512-1585), a native of Biskra (Algeria today), wrote a treatise entirely devoted to calendars, again in the form of didactic poem. This book will serve as a reference for all scholars in North Africa. The main successor Abu Mikra appears in the seventeenth century in the person of As-Susi, from Morocco and died in 1679. His treatise Nazm al fi Sharh al-Mumti Muqnipermet  including "determine what day falls on January 1 of any year". [33] It is striking that these books (or review of these works) circulated until the late nineteenth century among scholars of North Africa. For example, there is the presence in 1872 of the book al-Akhdari and comment on As-Susi in libraries of scholars of religious Kabylia Babors (Wartilan Ait, Ait Yala) [34 ]. This knowledge of the Julian calendar a few North African scholars Arabists and mastering astronomy textbooks inherited from the medieval Andalusian science is attested until the early twentieth century in the most barren regions: during the colonization of the Mauretania in 1909 the French  commander Ganen notes that "The Moorish writers willingly address issues related to astronomical computation time. One of them, Ben Abdem, the nomadic tribe Ideyqob (Ida Yaqub), Berbers West lists of constellations that rise at sunset, and gives, according to the Julian calendar, the date on which they become visible. (...) Another book says means what day falls on the first day of January in any year : It is called ace-Sousi "[35]. Finally, it should be noted that references to celebrations Yennayer North Africa, missing columns and of voyages lasting more than four centuries after multiply when al-Azafi the twelfth century, laments to see the festival Andalusian al-Yannayr prevail in the region. In the fifteenth century, Hassan al-Wazzan (1488-1548), better known under the name of Leo Africanus mentions that he saw in the city of Fez, "some old customs of Christmas neglected by Christians" including "the first day of the year, the children will mask the houses of noblemen, seeking fruit, song with little substance". [36] Less than a century later, the geographer and historian  Spanish Marmol y Carvajal (captured Tunis in 1536 and lived eight years in North Africa) addresses, in its general description of Africa, the issue of calendars followed by people: "There are a lot of these people, both African Arabs who, without knowing how to read or write, make sufficient reasons affecting plowing, by the rules of astronomy, but they draw the rules of the Treasury Agriculture, which was translated from Latin into Arabic in the city of Cordoba. (...) In this book are contained twelve months of the year in Latin, and they follow with regard to plowing ". [37] It also notes that "Africans have in the year forty days of bitter cold and forty days of  excessive heat", which is the famous Syriac lyali periods and the Kitab al smayem FILAHA Andalusian. This additional element is added to the concordant indications listed above, showing that the medieval Andalusia is the main source of the reintroduction of the Julian calendar in North Africa as well as the word itself Yennayer. However, the fact that the North African agrarian calendar is integrated over time these Latin revisited by scholars Andalusian takes away their character properly Amazigh to ritual celebrations associated with it. Notes [1] Drouin, Jeannine. "Calendars Berber" Studies Hamito-Berber and Semitic Blends offered Karl G. Prasse, Leuven, Peeters, 2000, p. 113-128. [2] For example, see. p. 922 DALLET,  Jean-Marie. Kabyle-French dictionary: At Mangellat mention Algeria, Leuven,  Peeters, 1985, 1052 p. [3] See p. 43, Marcel, Jean Joseph. Vocabulary French-Arabic dialects vulgar Africa: Algiers, Tunis, Marok, and Egypt, Paris, C. Hingray, 1837, 574 p. [4] For more details on calendar computations, their stories, their calculation methods and their connections, refer to the comprehensive work of DERSHOWITZ Nachum, Edward M. REINGOLD.Calendrical Calculations, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, 479 p. [5] See p.9 of GENEVOIS, Henry. "The agrarian calendar and its composition," The Journal File, Algiers, No. 125, 1975, p. 3-87 [6] It is often noted Ianiarius Latin Janiarius months, particularly in Francophone authors (Drouin or Geneva, for example). This is an anachronism, the letter "j" is not part of the classical Latin alphabet (it was introduced in the sixteenth century). The Romans used the letter "i". [7] See p. 40-41, HERODIANUS. Trad. Greek HALEVY by Leon. Roman history from the death of Marcus Aurelius to the accession of Gordian III, Paris, Firmin-Didot, 1860, 327P. [8] See pp. 311-314 chronology contained Hugoniot Christophe. Rome in Africa, Paris, Flammarion, 2000, 349 p. [9] J. Drouin, op. cit., p. 114 [10] See p. 234-236 of Tertullian, trans. Genoude Eugène Antoine. Works of  Tertullian, second volume, Paris, Louis Vives, 1852, 547 p. [11] Louis Foucher. "The timing of Thysdrus" Antiquities African T.36, Paris, CNRS Editions, 2000, p. 63-108. [12] Ibid, p. 72 [13] Augustine of Hippo, Twenty-six sermons to the people of Africa gathered in Mainz, edited and annotated by François DOLBEAU, Paris, Augustinian Studies Institute, 1996, 756 p. [14] See p. 85: Peter Robert Lamont Brown. The Rise of Western Christendom: Triumph and Diversity, AD 200-1000, Oxford: Blackwell Publishing, 2003, 625 p. [15] See pp. 290-299 of BIEMON Emile, Jean-Claude  PECKER. Rhythms of time: Astronomy and calendars, Louvain-la-Neuve, Oxford University Press, 1999, 393 p. [16] For these two references, cf. pp. 445-446 GIL Moshe. trad. Ethel Broido. A History of Palestine, 634-1099, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, 994 p. [17] See p. 139-140 of Heinz Halm. Die von Kalifen Kairo: Die Fatimiden in Ägypten 973-1074, München, CH Beck, 2003, 508 p. [18] For this section, refer to IDRIS Hedy Roger, "Christian holidays celebrated in Ifriqiya at the time Zirid," African Journal, No. 98, 1954, p. 261-276. [19] See p. 77-84 in Hubert Houben. trad. LOUD Graham. Roger II of Sicily: a ruler Between East and West, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, 231 p. [20] See entry "Yannayr" p. 525 Corriente Frederico. A dictionary of Andalusi Arabic, Leiden, Brill, 1997, 623 p. [21] See p. 49-50 of David Waines. An introduction to Islam, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, 367 p. Note that the work of al Qurtubi is still used today, especially by scholars Salafi trend. [22] Annotations PELLAT Charles, The Calendar of Cordoba, Leiden, Brill, 1961. [23] See p. 61-62 of PROVENCAL LEVY-Evariste. History of Muslim Spain, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999, 435 p. This is a reissue, the original from 1944. [24] See p. 28 URVOY Dominica. Thoughts of Al-Andalus, intellectual life in Cordoba and Seville at the time of Berber empires, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail and Editions du CNRS, 1990, 209 p. [25] Ibid. p. 64 [26] See p. 38-39 BOLENS Lucia. Andalusian agronomists Middle Ages, Geneva, Librairie Droz, 1981, 305 pp.. [27] GENEVOIS. Op. cit. pp. 21-22 [28] See p. 225 THE GRANJA Fernando. Estudios de historia de Al-Andalus, Madrid, Real Academia de la Historia, 1999, 348 p. [29] Ibid p. 253 [30] The full Arabic text and its translation into Spanish are included in Article DE LA GRANJA Fernando. Festas Cristianas Al Andalus, "al durr al munazam" Al 'Azafi, AL ANDALUS, XXXIV, 1969, pp. 1-53. [31] For further all the points raised in this section, refer to Chapter 4 (particularly p. 81-93) of NJG Kaptein Muhammad's Birthday Festival: Early History in the Central Muslim Lands and Development in the Muslim West 10th/16th Century Until the, Leiden, Brill, 1993, 183 p. [32] All references that follow are from the inventory of the library zaouïa Chellata (Kabylie) analyzed and put into perspective by Jamil Aissani. "Timεemmert not Ichellaten", p. 59-77 in The Maghreb Berber manuscripts in European collections, Meolans Revel Perrousseaux Workshop, 2007, 167 p. [33] Ibid. p. 71. All other references are available at p. 71-72. [34] See p. 88-89 Aissani Djamil, Djamel-Eddine MECHEHED. "The Sheik of khizana Lmuhub", p. 79-127 in The Maghreb Berber manuscripts in European collections, Meolans Revel Perrousseaux Workshop, 2007, 167 p. [35] "Report of Commander Ganen" Paris Journal of the Muslim world, 1909, p. 516. [36] See p. 391 LEON said the African. Trad. TEMPORAL John. Description of Africa, Lyon, Temporal, 1556, 564 p. [37] See p. 15 MARMOL CARVAJAL Luis. Trad. Ablancourt Nicolas. General Description of Africa, Paris, Billaine, 1667.

 

By Yidir PLANTADE

 

Traslated from french by Karim de Sidney



13/01/2013
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